Camille marche dans la foule qui grossit.
De nombreux commentaires fusent.
Beaucoup d’émotion.
Souvent de la tristesse, de l’interrogation, de l’incompréhension, de la colère.
Parfois des pleurs.
— Tu fais partie des groupies de DeLaRochette ?
Camille sursaute.
La voix de Simon.
— On peut dire ça.
Simon acquiesce.
— C’est un accident terrible.
Camille fixe son collègue.
— Tu es certain que c’est un accident ? demande-t-elle.
— Tu veux que ce soit quoi d’autre ?
— Il semble y avoir un paquet de monde qui pourrait désapprouver ses actions.
— C’est pas parce qu’on est flic qu’on doit voir le mal partout. Il y a des accidents tous les jours. Et malheureusement, il n’y a pas que des connards qui y passent.
— N’empêche.
Ils restent un moment à regarder la masse mouvante et émue évoluer sur le parking.
— Tu gères ?
— Pour l’instant, c’est calme.
— Bon.
Simon la connaît par cœur.
— Vas-y, qu’est-ce que tu veux ?
— Tu es allé voir la voiture ?
— Non.
Quand elle a une idée derrière la tête.
— Je suis venu directement ici. Pour être certain que tout se passe bien.
— C’est ce qu’il fallait faire.
Elle attend.
Il sait qu’elle n’a pas terminé.
— Tu sais qui a récupéré la voiture ? finit-elle par lâcher.
— Le garagiste de permanence.
— C’est qui ?
— Faut que j’appelle.
— Merci.
Simon compose le numéro du Central. Parle un moment.
— Muller, annonce-t-il placidement.
— Tiens donc. Notre ami Muller.
Simon a encore des relents de nausée au souvenir des cadavres de chiens en décomposition dans le hangar pourri du garagiste.
— Je vais aller lui rendre visite. Tu viens avec moi ? lui propose-t-elle.
Simon jette un œil autour de lui, histoire d’évaluer la situation.
— Ça va bien se passer, le rassure-t-elle.
Il soupire.
— Tu fais chier Camille.
Il ne va pas la laisser se rendre seule chez ce sale type.
— On prend ta voiture ?
Simon se gare devant un entrepôt obscur et sinistre.
Un signal lumineux se produit à leur arrivée et un lampadaire s’allume sur un homme trapu en salopette.
Camille et Simon le rejoignent.
Le type n’a pas l’air du tout satisfait d’être encore dérangé, mais il ne moufte pas.
— Merci de nous recevoir malgré l’heure tardive, lui dit Camille d’une voix douce.
— J’peux voir vos cartes ? marmonne l’homme.
— Bien entendu.
Camille ouvre son portefeuille et lui indique le document.
L’homme fait un signe de tête vers Simon.
De mauvaise grâce, celui-ci lui montre sa carte à son tour.
— Vous regardez trop de séries, grogne-t-il.
Le garagiste hausse les épaules.
— La voiture est dans un sale état, j’vous préviens. J’sais pas c’que vous espérez.
— Je voudrais me faire une idée.
— Vous allez pas être déçue.
Effectivement, la Cayenne est écrasée sur toute la moitié avant et le reste est réduit en un tas de tôle froissée.
Rare de voir des épaves aussi abimées.
Elle est encore sur la remorque du camion dépanneur.
— Celui qui conduisait doit être sacrément amoché, indique l’homme.
— Vous allez l’analyser ?
— Analyser la voiture ? Pour quoi faire ? Elle part demain directement à la ferraille.
— Vous êtes mécano ?
— Oui ma bonne dame.
— Vous pouvez savoir si cette voiture a été sabotée ?
— C’est impossible à saboter ces bagnoles. C’est bourré d’électronique et ça sonne à la moindre anomalie. Non, faut pas y compter.
— Ça vous prendrait combien de temps pour jeter un œil ?
— C’est un sacré boulot.
— Pour 1 000 euros ?
Le type regarde Camille.
— En liquide.
Ses yeux s’amincissent.
Comme ceux d’une fouine.
— C’est pas la procédure, ma bonne dame, vous le savez bien. Il me faut une procuration.
Il a l’air plus futé qu’il n’y parait.
— 1 500.
Cette fois-ci, le garagiste tique.
— Il faudrait que je voie ça avec mon patron.
— 2 000 et vous me donnez votre avis demain matin.
— Demain matin ?
— Vous êtes d’astreinte toute la nuit, non ?
Il allume une cigarette, s’approche de la carcasse, évalue ses chances, tourne autour.
Puis annonce :
— OK pour 2 000.
— Mais qu’est ce qui t’a pris ? On a pas le droit de faire ça !
Simon est interloqué.
Interloqué, mais il n’est pas intervenu dans la discussion.
Camille lui en est reconnaissante.
Il n’en revient pourtant pas :
— Tu vas filer 2 000 euros à cet abruti ? Si ça se trouve, il n’y entrave que dalle !
— On verra bien.
Simon s’agite.
— Putain, mais où tu vas dégoter 2 000 balles ?
— Ça me regarde.
Il s’arrête et la fixe.
— Tu en fais une affaire personnelle, conclut-il.
Elle ne répond pas, les yeux dans le vague.
— Tu sais bien qu’on fait toujours des conneries quand on s’implique personnellement.
Ils rejoignent la voiture.
Simon s’installe et attrape violemment le volant.
— Putain, j’aurais dû m’en douter.
Elle ne demande pas de quoi il parle.
Elle prend place côté passager avec prudence.
— C’est ce garçon. Hein ? C’est lui ?
Camille se recule.
Simon a le visage déformé par la colère.
— Arrête, tu me fais peur !
Il lui saisit une main.
— Mais qu’est-ce que tu lui trouves ? Qu’est-ce qu’il t’a fait pour te mettre dans cet état ?
Ses yeux luisent d’une fièvre animale.
— Qu’est-ce qu’il a de plus que moi ?
Il disjoncte complètement.
— C’est moi qu’il te faut ! Pas ce gosse de riche minable !
Et il se jette sur elle, dément incontrôlable transformé par la folie.
— C’est moi que tu veux ! Moi !
Elle est coincée contre la portière. Les mains de Simon lui saisissent la tête et la secouent. Puis descendent sur sa poitrine, arrachent les boutons de sa chemise, déchirent le tissu à la recherche de ses seins et plongent vers ses cuisses.
— Arrête tout de suite ! hurle Camille. Arrête !
Mais Simon est bien trop fort et se vautre contre elle, l’écrase. Seule une de ses mains est encore libre. Elle n’a pas d’autre choix. Attrape son arme de service dans son sac, un SIG-Sauer SP 2022, lui plante le canon dans le cou.
— Si tu ne dégages pas immédiatement, je tire, dit-elle simplement.
Simon sent le métal froid enfoncé dans la gorge et s’immobilise.
Camille voit bien qu’il réfléchit.
Soupèse les chances qu’elle bluffe.
Elle ne tirera pas.
Il cherche sa bouche et l’embrasse.
Alors Camille accentue brutalement la pression.
— Dégage Simon. Je t’assure que je ne plaisante pas.
Ricanements.
Et puis
Le corps de Simon disparaît
Volatilisé
La pression lâche d’un coup.
Camille se redresse
Sort de la voiture
Reprend son souffle et ses esprits.
Remet sommairement de l’ordre dans ses habits
Des cris étouffés lui proviennent un peu plus loin.
Elle s’approche.
L’homme à la salopette a empoigné Simon et le tient fermement immobilisé sur le bitume par une clef de bras.
Elle ne voit qu’une chose
Les yeux exorbités de Simon
Rouges de sang.
– Qu’est-ce que je fais de ce bâtard ? demande le garagiste d’une voix amusée.
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